Lecture psychanalytique de l’oeuvre de Nelly Arcan: “Jouissance féminine”

« Je dédie ce livre à la mémoire de Nelly Arcan », écrit Camille Laurens en refermant son roman “Celle que vous croyez”. Nelly Arcan était une écrivaine québécoise. Elle est le nom de plume d’Isabelle Fortier. Nous pourrions écrire Isabelle Fortier née le 5 mars 1973 à Lac-Mégantic au Québec et Nelly Arcan décédée le 24 septembre 2009 à Montréal. Car, peu d’œuvres ont autant associé l’écrit et son auteur. Que Nelly nous parle à la première personne de l’enfance d’Isabelle, et de la marchandisation du corps de Cynthia, car tel était son nom d’emprunt lorsqu’elle recevait ses clients, qu’elle utilise essentiellement le tutoiement en écrivant à son amant pour lui dire ce qui la rend folle ,  qu’elle utilise la narration à la troisième personne dans son troisième roman « à ciel ouvert » pour parler de Julie qui voit la réalité humaine ou de Rose qui la montre ; Nelly nous entretient toujours de sa difficulté d’être là. Elle laisse à Antoinette Beauchamp, l’héroïne de son roman posthume “Paradis clef en main”, le soin de nous illustrer sa sortie.
Chez Nelly, le mal de vivre s’alimente de l’énigme que constitue le désir de l’Autre. La petite Isabelle, peut-être trop tôt consciente que tout est semblant, se verra confrontée à cet impossible du rapport sexuel. Sa “souplesse infinie” comme elle qualifie sa façon d’y faire avec le désir de l’homme, n’y palliera point.
La menace du « laisser en plan » toujours plus présente, l’accapare, elle qui a si bien su en parler. Tout au long de ses écrits, Nelly nous invite à la rencontre de ce qui fait mystère, mystère du féminin et au-delà énigme de la trace qu’une parole laisse sur le corps . Corps sans cesse remodelé au figuré comme au réel. Le corps déshabité de la putain dont il ne reste que le déshabillé, le corps matriciel enveloppé de la robe de chambre maternelle, le corps honteux pris dans sa robe de chair.
L’écriture de Nelly Arcan interroge la jouissance féminine « pas toute » prise dans la fonction phallique. Pour Lacan la jouissance féminine s’éprouve à l’occasion, mais elle est impossible à dire . De cet impossible Nelly Arcan a fait œuvre de littérature. Une lecture psychanalytique de ses textes nous conduira vers le thème des journées 49 de l’École de la Cause Freudienne, « Femmes en psychanalyse ».

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